L'énigme Du Deuil

Présentation de l'éditeur L'expérience-limite du deuil est celle de ne pas pouvoir survivre à partir de soi-même, de ne pas avoir la capacité de vivre, de ressentir des choses vivantes à partir de soi-même. Cette expérience particulière que le sujet fait de sa propre disparition, celle de l'effacement de soi, cette expérience limite de se sentir en train de disparaître s'accompagne de cette difficulté et cette douleur de ne pouvoir garder quelque chose de l'autre. Aussi, pour permettre la formation imagée de la parole du deuil, l'un des mouvements dynamiques du travail du deuil peut être en partie un \"travail hallucinatoire\". Par le rêve, la parole et l'écriture, par toutes autres stratégies corporelles, parfois insolites, l'énigme du deuil deviendrait alors une mise en jeu, un pari qui ne cesse de transformer le sujet endeuillé. Quelles formes la vie psychique de l'endeuillé peut-elle prendre pour se protéger de sa propre destruction lorsque le traumatisme de la perte est un événement qui ne cesse pas ? Extrait Extrait de la préface de Marie-José Mondzain : Ecrire sur la mort, sur la mort de ceux qui sont morts, et découvrir qu'on ne fait jamais qu'écrire sur la mort de ceux qui sont vivants, c'est-à-dire sur la vie des morts qui viennent habiter le corps et l'esprit des vivants. Les morts nous laissent-ils vivre ? À quel prix pouvons-nous leur survivre ? Et puis avec quels mots parler de ce qui échappe à tous les mots, avec quelles images figurer ce qui échappe à tout regard ? Il ne s'agit pourtant pas de pointer une difficulté qui serait celle qui accompagne toute parole portant sur un réel par définition impensable. Non. Il s'agit de repérer c'est-à-dire plus précisément de voir les apparitions spectrales d'une souffrance de la mémoire et d'entendre l'énigme qui soutient le retour à la fois insistant et inassignable d'une absence. L'impensable est imaginable, non que la mort demande un effort d'imagination mais que l'imaginaire est le régime de l'impensé dans ce mouvement singulier qu'est la reconnaissance du désir qui relie les vivants et les morts. Ce livre est consacré aux fantômes et s'adresse à eux. C'est aux spectres qui nous habitent d'entendre ce qui se dit ici de cette étrange histoire d'amour et de mort qui fait du corps de chacun le siège de ce qui n'est plus. Pour l'inconscient toute mort est peut-être un crime et tout survivant peut-être un criminel en fuite poursuivi par le désir du mort. L'objet de la disparition, l'objet de ce désir est bien cette présence spectrale que l'endeuillé commence par ne pouvoir séparer de lui, distinguer de lui dans l'étrange posture qu'est celle de la mélancolie. Fusion jouissante et mortifère du vivant doublement incapable et de vision et d'oubli puisqu'il n'y a aucune mémoire possible, c'est-à-dire aucune temporalité pour la rupture. Dans un temps fixe, figé, l'endeuillé parle de sa propre mort comme régime de sa survie qui n'est qu'une «surmort». L'impossible partage d'un savoir sur la mort qui nous viendrait des morts, voilà ce dont se nourrit l'immobilité mélancolique. Pourtant l'Ecclésiaste dit bien que «les vivants savent qu'ils vont mourir mais les morts, eux, ne savent rien» (9, 5). Alors qu'est-ce que le mélancolique croit savoir ? Que redoute-t-il de perdre ? un savoir impossible ? un plaisir sans prix ? Dans quelle relique dérisoire va-t-il reconnaître la figure du tout ? Biographie de l'auteur Laurie Laufer est psychanalyste et maître de conférences à l'Université Paris 7-Denis Diderot.