Le Conflit Des Facultés : Et Autres Textes Sur La Révolution

Présentation de l'éditeur Sous la direction de Miguel Abensour Le titre même de cet ouvrage, Le Conflit des Facultés et autres textes sur la révolution, réalisé par les soins de Christian Ferrié, dit l'ambition de son auteur. Il s'agit de rien moins que de conférer à un texte classiquement considéré comme secondaire - à l'exception de la seconde section - le statut d'oeuvre majeure où se manifeste la cohérence d'un tout, au point que l'on puisse y voir le testament politique de Kant. À cela contribue d'une part l'édition des premières moutures de la seconde section sur le progrès historique du genre humain. C'est le cas d'un Essai sur le progrès comprenant des fragments traduits pour la première fois en français. D'autre part, une interprétation renouvelée de la première section relative au conflit entre la Faculté de théologie et celle de philosophie, selon laquelle serait en jeu la question du théologico-politique, c'est-à-dire l'émancipation du politique à l'égard de la religion, grâce à une critique radicale des différents messianismes qui font obstacle à la pratique pure d'une religion de la raison. Testament politique révolutionnaire où Kant, à suivre l'interprète, se trouverait situé entre Spinoza et l'École de Francfort. En effet, dans cette mise en scène des conflits qui opposent les Facultés supérieures, du côté du pouvoir, à la philosophie, du côté de l'émancipation, se constitue une théorie critique de l'idéologie dominante. À partir de l'enthousiasme que suscite l'événement révolutionnaire chez les spectateurs qui y perçoivent le signe d'un progrès en mieux, Kant affirme une exigence normative à réaliser politiquement, sous la forme de la reconnaissance du droit du peuple inscrit dans une constitution républicaine. Une postface inventive fait crédit à Kant d'avoir élaboré un réformisme révolutionnaire qui, prenant appui sur un diagnostic du présent, révèle sa vision politique d'un monde à venir. Extrait Note éditoriale Le Conflit des Facultés en trois sections qui a été publié à l'automne 1798 montre une composition apparemment déséquilibrée. Mais cela renvoie pour part à un problème d'édition. Pour bien le comprendre, il faut revenir au préalable sur la genèse du texte entre 1794 et 1798. C'est en effet la clé de l'erreur commise lors de l'édition originale de 1798 et perpétuée jusqu'à présent : Nicolovius, l'éditeur, a malencontreusement repris telle quelle la présentation de la version première du Conflit que Kant avait mise au point en 1794. Précisons cette erreur éditoriale : après une Introduction qui présente la Division des Facultés, le Conflit de 1794 illustrait (I) le Rapport entre les Facultés, c'est-à-dire l'exposé du Conflit des Facultés en général, par (II) l'exemple du Conflit entre les Facultés de théologie et de philosophie qui était présenté en appendice ; alors que l'Appendice de 1794 aurait dû constituer la première section du texte publié en 1798, l'ensemble du texte de 1794 a pourtant été édité en 1798 comme s'il s'agissait de sa première section par différence avec les deux sections ajoutées en 1798. Il faut raconter en détail cette histoire d'édition. Indissociable des circonstances qui ont présidé à la production du texte en 1794 puis en 1798, elle permet en effet d'apprécier à sa juste valeur la composition finale de l'ensemble en trois sections en relativisant le déséquilibre provoqué par l'ajout des deux sections. C'est un passage obligé pour éclairer la forme qu'a prise le texte tout autant que son contenu : la lutte contre la Censure pour défendre le droit de critiquer les doctrines d'État en matière religieuse, juridique et médicale. Afin de retracer la genèse du texte, il convient d'élucider au préalable un point qu'éclaire la Préface de 1798 : pourquoi l'ouvrage prêt à la fin 1794 n'a-t-il pas été publié à ce moment-là ? Dans le contexte de la censure de la Religion dans les limites de la simple raison en 1792 et de la Réprimande royale qui lui est envoyée en octobre